Les écrans produisent-ils des générations de crétins digitaux ?

« L’exposition aux écrans n’est pas en soi bonne ou mauvaise pour le cerveau, elle dépend des compétences prises en compte, du type d’écran considéré et sans doute plus encore du type de contenu présenté sur ces médias. »

Grégoire BORST

Superbe présentation d’une problématique aussi complexe que polarisante par Gregoire Borst, Professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l’éducation à Université Paris Cité. Il était ce mardi 19 mars à l’Université de Liège pour une conférence organisée à l’initiative de REALiSM, intitulée Tik Tok, Instagram, Youtube et Fortnite, c’est le quoi le problème pour nos cerveaux ?

En vrac, quelques notes :

1. Cooccurence ou corrélation ne valent pas causalité.

« Pour établir un lien de causalité entre ces deux phénomènes, il faut être en mesure de démontrer que les enfants qui sont les plus exposés aux écrans à un âge donné ont un risque accru de développer par la suite des troubles des apprentissages, un handicap ou des troubles du comportement. Pour le moment, nous ne disposons pas de données qui permettent d’établir ce type de lien de causalité. »

2. La question du contenu est beaucoup plus intéressante.

Dora l’exploratrice aurait un impact bénéfique sur l’apprentissage du langage chez les enfants de 30 mois, alors que c’est tout le contraire pour les Teletubbies.

Ou encore les jeux vidéo, qui auraient effets positifs sur le développement de compétences chez l’adolescent·e : capacités attentionnelles, vitesse de traitement des informations ou encore capacités de raisonnement visuo-spatial.

3. L’adolescent représente une phase de fragilité marquée par des changements rapides dans la structure cérébrale.

Ce qui conduit l’adolescent à une recherche d’une récompense immédiate, liée à son statut social au sein du groupe. C’est ce qui explique notamment que l’ado va se comporter différemment en groupe et qu’on observe beaucoup de conduites à risques et de débuts d’addictions chez les adolescent·e·s. Et là, le lien avec les réseaux sociaux est assez simple à comprendre.

4. Le temps d’écran ne concerne pas que les enfants.

L’utilisation intensive des écrans par les parents diminue l’attention accordée aux enfants (ce que Brandon Mc Daniel appelle la technoférence).

5. L’impact des écrans sur le sommeil est réel.

L’exposition à la lumière artificielle modifie la sécrétion de mélatonine qui régule les cycles veille-sommeil et impacte la santé globale.

Et du coup, « dans un monde parfait, on coupe tous les écrans une heure avant d’aller dormir. Et on parle. Ce qui, en plus, améliore la qualité de la communication avec nos enfants … »


A lire :

Borst, Grégoire. « Écrans et développement de l’enfant et de l’adolescent », Futuribles, vol. 433, no. 6, 2019, pp. 41-49.

McDaniel, B. T. (2015). “Technoference”: Everyday intrusions and interruptions of technology in couple and family relationships. In C. J. Bruess (Ed.), Family communication in the age of digital and social media. New York: Peter Lang Publishing.