Se demander pourquoi on fait ce qu’on fait, c’est un pouvoir déconstructeur pharamineux

J’espère qu’à un moment ou un autre je vous ai un peu agacé. Je pense que oui, parce que sinon, c’est raté. C’est important de sortir du lisse et de l’attendu et il faut que ce soit un peu dangereux, et c’est là où il faut travailler.

Aurélien Barrau

Aurélien Barrau était à l’Université de Liège ce mardi, pour recevoir les insignes de Docteur honoris causa mais aussi pour une rencontre avec les étudiant·e·s, et, bien sûr, une grande conférence que nous avons organisée dans le cadre du lancement du festival Rêve général.

Journée riche de débats, de discussions et d’échanges avec Aurélien Barrau, qui a soulevé de nombreuses questions qui vont bien au-delà de la problématique écologique.

Je retiens (notamment) l’idée, à priori simple et naïve, qu’on a tous la possibilite de penser l’orientation qu’on souhaite. « Je ne vais pas vous dire mangez moins de viande, prenez moins l’avion, triez vos déchets, on sait tout ça. On le fait parce qu’on est un peu bobo mais on sait aussi que ce n’est pas ça qui va sauver le monde. En revanche, se demander pourquoi on fait ce qu’on fait, c’est trivial et évident, mais on le fait très peu. Et ça, c’est un pouvoir déconstructeur pharamineux. »

Pour provoquer un changement significatif, il a souligné l’importance d’une approche collective et coordonnée : « est-ce que ce que je fais va plutôt dans le sens d’améliorer ce qui existe, c’est-à-dire entériner un système en place dont on sait qu’il est nécrophile et suicidaire, ou est-ce que ce qu’on fait a un véritable potentiel disruptif, c’est-à-dire qu’on tente quelque chose qui n’existe pas. »

Idée illustrée avec le système des rankings universitaires : « Imaginez qu’un recteur ou une rectrice d’université décide de considérer qu’on se fiche de tous les grands classements universitaires et qu’aucune décision ne sera prise pour gagner des places dans ces classements ; Si, en disant ça, l’université perd ses subventions, son attractivité et voit les étudiants la fuir, ce n’est pas viable non plus. La responsabilité est donc collective ; on ne peut pas juste demander aux instances de l’université d’avoir ce comportement vertueux si nous-même, en tant que chercheur, en tant qu’étudiant, ou en tant que dirigeant politique, on n’entérine pas aussi la vacuité de ces symboles. »

Et au sujet de ces symboles : « On peut renverser les symboles : ce qui a été marqueur de réussite, on peut aussi le voir comme un marqueur de délinquance. Mais il ne faut pas que ce soit juste une personne qui fasse ça il faut que ce soit collectif. Et ça commence tout doucement : les manteaux de fourrure étaient un marqueur de réussite et sont devenus un marqueur de cruauté ; et personne n’a envie d’être reconnu comme cruel. Et donc, il suffit qu’on trouve que c’est ringard, ridicule et grotesque d’avoir un yacht et plus personne n’aura envie d’avoir un yacht. »

La soirée a également été ponctuée de trois magnifiques interventions de David Murgia.